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Lofti Akalay

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Mensaje por Admin Dom 29 Mayo - 20:24

Le Point.fr - Publié le 05/06/2008 à 00:00

« Qu'est devenu mon Tanger ? »
LOTFI AKALAY


Je ne reconnais plus mon Tanger ! Depuis que le nord du Maroc n’est plus frappé de sous-développement durable, les immeubles poussent comme du cannabis après la pluie, les étrangers sont partout-dans la casbah, on croise pléthore d’Européens. Les rares riverains indigènes qui n’ont pas encore vendu leurs trous à rats aux marches d’escalier inégales et raides perçoivent ces avec-papiers comme des gens au comble d’un bonheur immédiat qui ne se prête à aucun marchandage. Il faut les voir, ces valeureux touristes, à commencer par les Français de souk, livrer bataille à notre plat de résistance national, ce couscous tant apprécié qui est la continuation du tagine par d’autres moyens. Les pieds-noirs ont fui vers le nord ? Qu’à cela ne tienne, voici les pieds-blancs descendus au sud, la plupart étant des « chibanis », comme on dit chez nous, des vieux, ne vous en déplaise. Ailleurs, vieux a pris l’allure d’un gros mot plus inconvenant que tous ceux qui font florès dans les bouches et sous les plumes, que je ne citerai pas pour cause d’autocensure timorée. Les vieux, ou, pour le dire pudiquement, les personnes âgées-comme si le reste de la pyramide des âges n’en avait pas-sont baptisés tempes grises, troisième âge, seniors. On dit les jeunes et les moins jeunes, jamais les vieux et les moins vieux. Dans leur pays, ils savent, résignés, que la vieillesse, c’est juste un mauvais moment à passer, à cheval entre Alzheimer et la Camarde, alors que, dès leur arrivée à Tanger, ils découvrent, stupéfaits et primesautiers, que, s’il faut vivre plus longtemps, autant commencer tout de suite.

De plus, ils n’ont pas besoin de faire de périlleux exercices de trampoline pour ressentir frissons et sensations fortes, il leur suffit de traverser la rue en empruntant des passages cloutés qui ne valent pas un clou, dont les zébrures blanches se voient comme le nez au milieu de la nuque, en se fourvoyant dans une circulation anarchique où les automobilistes considèrent les sémaphores comme des interdictions de ralentir, surtout quand le feu passe à l’orange pressé.

Friands d’histoires de culte, les couples islamistes ne sont pas en reste. Ceux-là aussi ont fait irruption dans ma bonne ville de Tanger, reconnaissables entre mille, l’homme en robe, la femme en pantalon, suspicieux face à l’invasion de tant d’impies adeptes de la Sainte Trinité, ce Carrefour qui propose en promotion trois dieux pour le prix d’un. Nos barbus et nos bâchées annoncent le nouveau Grand Soir, la dictature du prolécharia dans les quartiers populaires où l’égalité des malchances est de rigueur, où la propagation de l’intégrisme va croissant. Ils promettent à coups de slogans d’une simplicité coranique une démocratie où le bourrage des urnes cédera la place à celui des crânes, où les ordinateurs Dell seront renommés Delui, histoire de rendre à César ce qui n’appartient pas à Césarine, où sont donnés en exemple les kamikazes qui aiment la mort mais pas en solitaire. Mais qu’on ne s’y trompe pas, le terrorisme n’est pas une spécialité de chez nous, il sévit partout ailleurs en plus sophistiqué. Pour autant, il n’y a pas lieu de diaboliser les autres, malgré l’ETA et les Brigades rouges, il y a partout des gens bons, à Bayonne comme à Parme.

Les touristes arabes vivant au-dessus du seuil de richesse ne sont pas encore de retour, ils ont dépêché à Tanger leurs capitaux en éclaireurs, mais ils sont attendus comme au temps jadis, quand ils débarquaient les poches de dollars gonflées comme une poitrine siliconée, prenant leurs biens en patience, loin de leurs pays où les mauvais sont au pouvoir et les pires dans l’opposition, fredonnant la rengaine d’Ibn Montant « Qu’est-ce que t’as dans l’Emirat ? », ricanant qu’il y a des fatwas qui se perdent, à la vue de jolies filles aux mollets outrageusement exhibés, appelant au lynchage par la boxe populi des rares couples d’amoureux mis aux bans publics, tout ça parce qu’ils se bicotent.

Il y a les Subsahariens qui se pressent au temple anglican de Saint Andrews pour la messe dominicale, où ils chantent en cadence un christianisme aux couleurs du continent noir « Seigneur, donnez-nous notre pain mensuel ». Voyez l’immigré africain : à 11 ans il en faisait 6, et à 40 il en fait 60. Dans sa vie, il aura tout fait sauf son âge. A Tanger, vaste salle d’attente, c’est en rêvant d’une imminente traversée du détroit, fuite des moelles épinières, qu’il caresse l’oxymore suprême : réussir, c’est échouer sur une plage espagnole où tous les désespoirs sont permis.

Le voilà, mon Tanger bétonville d’aujourd’hui, marmite bouillonnante de migrants dispensés de visa, abri de fortune et refuge de luxe, choc frontal des contrastes et flirt des civilisations.
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